par Jean-Marie Rens, compositeur et analyste et Marie-Dominique Gilles, pianiste
Trois pièces pour le piano
Ces 3 pièces sont assez représentatives de mon travail de compositeur. La première, Vibrations/2, propose une réflexion sur la perception du temps et de l’espace en musique, mais aussi sur la vibration du son générée par le trille. Elle oppose de larges plages statiques dans un registre relativement restreint à des moments d’extrêmes mobilités ou la registration éclate véritablement. Ce rapport dialectique, l’opposition du statisme et de la mobilité, mais aussi le travail sur la vibration, est largement inspiré de l’œuvre du plasticien Jésu Raphaël Soto, qui, depuis de nombreuses années maintenant, travaille dans le domaine de l’art cinétique. Le titre de cette première pièce rend d’ailleurs hommage à Soto, puisque plusieurs de ses œuvres portent le titre de Vibration.
Vibrations/2 tire sa matière première d’une de mes pièces pour grand orchestre : « Espace-Temps ». Cette œuvre, qui interrogeait déjà à l’époque le temps, l’espace et la vibration, avait une thématique supplémentaire : une citation de Marcel Proust.
Le titre de la deuxième pièce, Résonances, a plusieurs significations. Au sens propre du terme d’abord : le piano est utilisé pour créer un espace acoustique ou les objets musicaux flottent dans l’espace grâce à une résonance quasi omniprésente. Divers types de résonances sont mis en jeu comme l’utilisation de touches bloquées ou encore l’exploitation de la 3ème pédale du piano.
Le terme résonance peut être compris aussi sur un plan plus métaphorique, comme la résonance de certaines musiques du passé. Et de fait, le motif musical qui ouvre ce mouvement est emprunté à une pièce du troisième cahier des Microcosmos pour piano de Bartok. De plus, certains gestes musicaux peuvent être compris comme des citations.
L’harmonie, paramètre déjà très présent dans le premier mouvement, est ici au centre du travail compositionnel.
Le titre du troisième et dernier mouvement trouve son origine dans quelques une des obsessions de ma vie de musicien. Il peut être compris de diverses manières. D’abord mon adoration quasi obsessionnelle pour tout ce qui est rythmique et qui, depuis de nombreuses années maintenant, m’intéresse au plus haut point.
L’admiration que j’ai pour le travail du compositeur Hongrois Gyorgy Ligeti est, elle aussi, de l’ordre de l’obsession. C’est la raison pour laquelle une forme de citation à sa quatrième étude pour piano intervient dans ce troisième mouvement.
Enfin, sur le plan compositionnel, la dernière pièce de ce triptyque est une sorte d’exploration, toujours obsessionnelle, d’un motif rythmique de base qui sera tout au long de la pièce varié, amplifié, mais aussi distortionné. Un peu à l’image du projet dialectique du premier mouvement, l’idée génératrice de cette dernière pièce est construite autour de l’opposition d’une partie répétitive très stable et de son autoperturbation qui donne l’impression de provoquer des « accidents ». Ces accidents, qui ne sont que passagers au début, vont se généraliser et donner naissance au projet même de la pièce : la destruction et la reconstruction progressive d’un pattern rythmique.
Lundi 13 février 2017 à 19h30
En collaboration avec la Société belge d’analyse musicale (www.sbam.be)